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Aujourd’hui je vous présente des mécanismes qui travaillent dans l’ombre de notre cerveau et influence toute notre pensée sans que l’on s’en rende compte : les biais cognitifs.

« C’est quoi un biais cognitif ? »

Un biais cognitif est un mécanisme de la pensée, automatique et inconscient, qui dévie notre jugement. Une sorte de filtre qui empêche notre cerveau de penser d’une façon purement rationnelle.

« Mais pourquoi notre cerveau aurait-il besoin de ces choses qui trompent notre jugement ? »

Le monde qui nous entoure est tellement complexe que notre cerveau ne peut pas en comprendre tous les détails.
Pourtant, on doit vivre dans ce monde, le comprendre un minimum, pour pouvoir survire et transmettre nos gênes.
Les biais cognitifs nous aident à avoir une vision simplifiée de notre monde, compréhensible par notre cerveau. Ils nous permettent de prendre des décisions rapidement. Sans eux, la moindre décision, réflexion, pensée, nous prendrait des heures et des heures. On perdrait donc du temps et énormément d’énergie : il y aurait fort à parier qu’après avoir enfin pris cette décision, on n’aurait plus la force d’en prendre une autre dans notre journée.

« Donc, si j’ai bien compris : notre cerveau ne peut pas comprendre le monde dans son intégralité car notre monde est trop complexe, de plus ça lui prendrait bien trop d’énergie.
Donc notre cerveau utilise des trucs qui rendent le monde plus simple à comprendre, ça nous permet de prendre des décisions rapidement, mais ça nous éloigne d’une pensée rationnelle ? »

Oui c’est bien ça !

« Et on peut avoir des exemples concrets ? »

J’allais y venir !

Pour le moment les études scientifiques sur le sujet ont recensé plus d’une centaine de [1]  biais cognitifs différents.

Je ne peux donc pas tous vous les présenter mais en voici 3, choisis au hasard.

 

Exemple 1 : Biais du survivant


Le biais du survivant est une erreur de raisonnement qui nous fait considérer seulement les personnes ou les choses ayant réussi à passer un processus de sélection, et dans le même temps, négliger celles qui ont échouées.

Concrètement :

On retrouve ce biais dans le traitement de l’information concernant des carrières très compétitives comme celle des acteurs ou des YouTubers célèbres.
Quand les médias font un reportage sur ces acteurs ou YouTubers, partis de rien, ayant réussi à force d’effort et de persévérance, ils négligent ceux qui, ayant fait preuve d’autant d’effort et de persévérance, n’ont pas réussi à atteindre la célébrité.

Tout cela nous donne, à tort, l’impression que tout le monde peut devenir célèbre à force d’effort et de persévérance.
Mais si cela est vrai, la réciproque devrait l’être également : si quelqu’un ne réussit pas à devenir célèbre, c’est qu’il n’a pas dû faire les efforts nécessaires et n’a pas assez persévéré.
On voit alors tout le pouvoir culpabilisant de cette pensée lorsque nous ou un de nos proches manque de réussite dans sa vie.

 

Exemple 2 : Biais de confirmation


Le biais de confirmation fait référence à la pensée sélective, c’est le fait pour quelqu’un d’avoir tendance à noter et à chercher ce qui confirme ses croyances, et à ignorer, ne pas rechercher, ou sous-estimer l’importance de ce qui les contredit.

Concrètement :

Si quelqu’un croit qu’il y a une recrudescence d’accidents lors de la pleine lune, il remarquera les accidents qui se passent lors de la pleine lune, mais fera moins attention à ceux qui arrivent à d’autres périodes du mois.

Ce biais de confirmation est, de nos jours, amplifié par les réseaux sociaux et notamment l’algorithme de Facebook qui, si je simplifie, tend à nous montrer plus d’informations qui vont dans le sens de nos croyances que d’informations qui pourraient les remettre en question.

 

Exemple 3 : Le biais rétrospectif


Le biais rétrospectif est la tendance à rationaliser après coup un événement imprévu et à le considérer a posteriori comme plus probable ou prévisible qu’il ne l’était avant sa survenue.
La fameuse phrase : « Je l’avais bien dit ! » ou « Je le savais ».

A priori, ce biais n’a pas l’air bien méchant si on l’applique à des événements anodins : « Je savais qu’il allait renverser son verre ». Mais pour valider notre pensée, nous allons apporter des arguments qui prouvent que nous avions anticipé l’événement. Nous allons chercher des signes précurseurs qui nous ont permis d’anticiper cet événement et nous permettront de l’anticiper à l’avenir.

Dans notre exemple : « Son coude était proche de son verre » ; « Sa table était instable » ; « Il parle beaucoup avec les mains ».
De ce fait, si on ne veut jamais renverser notre verre il suffirait de faire attention à ces signes précurseurs. Cela nous rassure car nous avons maintenant une impression de  contrôle sur un événement qui n’était pas prévisible.

Malheureusement, ce biais n’agit pas seulement dans des situations anodines comme celle-ci mais est très présent dans des situations bien plus tragiques telles que les agressions sexuelles.
Ils viennent nourrir les réflexions stéréotypées qui peuvent les accompagner : « En même temps elle avait une robe très courte » ; « Quelle idée de sortir seule à cette heure-là ».

 

Conclusion :

« Bon c’est très bien tout ça mais on ne peut rien y faire alors, si c’est notre cerveau qui le fait sans qu’on puisse faire quoique ce soit ? »

En effet, de manière automatique, notre cerveau va utiliser ces raccourcis, ces simplifications.
Mais une fois que l’on a pris conscience de ce phénomène, cela nous permet de nous questionner sur notre vision du monde, sur nos opinions, sur ce que l’on croit savoir, sur ce que l’on fait et sur nos décisions.
Cela nous permet de ne pas laisser notre pensée être un simple réflexe, mais quelque chose de plus approfondi et d’y appliquer une méthode plus rigoureuse : une méthode scientifique.

 

Pour aller plus loin :

Si les biais cognitifs vous intéressent, voici quelques pistes pour en découvrir davantage :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_cognitif (Pour les anglophones je conseille de lire la version anglaise, bien plus complète).

Sur YouTube, certaines chaines de vulgarisation scientifique françaises proposent des vidéos sur les biais cognitifs :

 

Et bien sûr, les travaux du docteur Daniel Kahnemane qui est l’un des précurseurs de la recherche sur les biais cognitifs.

 

[1] Oui je donne seulement une approximation, car certains biais ne font pas consensus dans la communauté scientifique, étant très similaires et pouvant être les deux versants d’un même biais.